La nouvelle aire pour les Yéniches à Yverdon ne réjouit pas les riverains

26. Avril 2024

La Ville prévoit une zone d’accueil pour les caravanes à côté du stand de tir de Floreyres. Les habitants des immeubles voisins ont lancé une pétition.

24 heures/Fabien Lapierre

Cette fois, les Yéniches seront au contact de la population. La Ville d’Yverdon-les-Bains met à la disposition de ces Suisses nomades une nouvelle aire de passage provisoire, pour 15 à 20 caravanes, dès le mois de mai. Elle se situe sur un terrain herbeux dont elle est propriétaire, au stand de tir de Floreyres, près du restaurant fermé en décembre. Il s’agit toujours d’une phase test, soulignet-elle.

Pour mémoire, la Municipalité avait invité des Yéniches à séjourner un mois sur un terrain près de l'aérodrome en avril 2023. Des étudiants de l'EPFL avaient mené une étude sur cet aménagement pilote. Si l'expérience avait été écourtée par la pluie, rendant le terrain boueux, elle s'était révélée positive. Des convois étaient revenus deux fois. Mais la Ville avait bien précisé que l'aire d'accueil, sur un terrain agricole, ne pouvait être pérennisée à cet endroit.

Devant le fait accompli

L'emplacement choisi, en zone d'activité, implique désormais que les Yéniches côtoient les usagers du stand, qui tirent deux fois par semaine, et les huit familles installées depuis 2021 dans deux immeubles voisins. Avertis tardivement le 18 avril, une fois le départ des Gitans d'Y-Parc acté, ces habitants s'estiment mis devant le fait accompli. Ils ont envoyé un courrier de réclamation et leur pétition a déjà réuni 120 signatures dans le quartier.

«On avait des moutons et des chèvres dans le pré. On aura des caravanes pendant six mois de l'année! se navre une résidente. Nous n'avons rien contre ces gens, peu importe leur origine. Je peux vous dire que ce n'est pas du tout un endroit approprié pour installer un camping. C'est un quartier résidentiel calme, proche de la nature.» Et le bruit des tirs au stand? «Mon oreille s'y est faite.»

«On nous impose 80 à 100 personnes, sans compter leurs invités, que je verrai depuis mon balcon. Et qui nous dit que l'endroit ne servira pas ensuite pour des caravanes françaises, encore plus nombreuses et difficiles à déloger?» interroge son mari. La crainte d'une dévalorisation des appartements, de nuisances sonores et d'un trafic routier congestionné est invoquée. «La Commune doit trouver un emplacement plus adéquat ailleurs. Que les gens se mettent à notre place», complète sa femme.

«On s'attendait à une réaction émotionnelle, c'est compréhensible. Mais, là, elle est disproportionnée. Certains, influencés par la saga des gens du voyage, font l'amalgame entre les Yéniches et les Gitans. Sauf que d'un côté il y a une collaboration respectueuse et de l'autre un bras de fer permanent», distingue Christian Weiler, municipal chargé de la Sécurité publique.

La Confédération s'est engagée à favoriser le mode de vie des communautés yéniches, sintis et manouches. La Ville réaffirme aujourd'hui son engagement en matière d'intégration et son combat contre les préjugés.

Aménagements prévus

«Les caravanes ne seront pas sous les fenêtres des gens, mais au fond du terrain. Des toilettes seront installées et la zone pourra être végétalisée dans un second temps», insiste l'élu, qui espère qu'un groupe de travail intégrant Yéniches, riverains et tireurs définira les critères d'acceptation. La durée du séjour n'est pas encore clairement définie.

Quoi qu'il en soit, l'arrivée des nomades suisses ne se fera pas dans l'immédiat. «J'ai été visiter la place mardi. C'est joli, mais rien n'est préparé. Il y a des trous dans le champ, pas d'eau ni d'électricité, constate Marius Gerzner depuis sa place hivernale à Fribourg. Et puis on nous parle de 30 francs la journée, alors que le tarif ailleurs est de 15 à 20 francs. Ça fait cher pour nos petites paies!» Ces détails d'importance réglés, les caravanes pourraient arriver le jour même.