Installées sur une propriété privée à Bussigny (VD), 60 caravanes
avaient recouru contre l’ordre d’expulsion émis par la préfecture.
Depuis début mars, un village de caravanes s’est niché tout près de
l’autoroute, à Bussigny. Et il ne passe pas inaperçu. Entre les arbres
et les immeubles avoisinants, 50 à 60 véhicules quadrillent le bitume
d’un parking, aussi blancs que rutilants. Sur place, on découvre un
hameau propret, où les habitants papotent à l’ombre des auvents pendant
que les enfants jouent dans les allées.
Tribune de Genève, Chloé Din
Tous savent qu’ils occupent illégalement une propriété privée, qui n’est autre que l’ancien site de l’entreprise de vente par
correspondance Veillon. Et pourtant, malgré un ordre d’expulsion émis
par la préfecture du district, personne ne se prépare à partir, comme
l’a relaté le «Journal de Morges». Il s’avère que dans le canton de
Vaud, la situation est inédite. «On a déjà eu des ordres d’expulsion et
d’habitude, on part au bout de trois ou quatre jours. Cette fois-ci, on a pris une avocate», résume Pascal Antonio, l’un des responsables du
village.
Installé en patriarche sous un arbre, il explique que
le campement réunit une centaine de personnes, tous de la même grande
famille. Originaires des quatre coins de la France, ils passent
régulièrement la frontière suisse pour Tété et le site de Veillon fait
partie de leurs points de chute. Selon Pascal Antonio, un accord avait
toujours été trouvé avec les propriétaires, jusqu’à cette année, où on
les a priés de partir. C’est là que la procédure appliquée
habituellement s’est grippée. Une faille trouvée En 2013, le Canton de
Vaud s’est doté de directives pour empêcher les installations illicites
de gens du voyage.
Depuis, leur expulsion peut être prononcée
directement par les préfets, afin d’éviter de longues procédures
judiciaires. «Les gens du voyage ont fait recours en mettant en cause la compétence de la préfecture pour prendre une telle décision», explique
Claudine Wyssa, syndique de Bussigny, dont la commune a approuvé la
demande d’expulsion du propriétaire. «Leur avocate semble avoir trouvé
une faille, car la Cour de droit administratif et public a prononcé un
effet suspensif. Nous sommes mal pris, car en attendant, nous n’avons
aucun moyen de les faire partir.» La syndique ajoute qu’entre-temps, les caravanes, qui étaient une dizaine au départ, se sont multipliées.
Contactée, la préfète de l’Ouest lausannois ne fait pas de commentaire
en raison de la procédure en cours. Préfet du Nord vaudois et surtout
médiateur pour les gens du voyage, Etienne Roy confirme que l’enjeu
n’est pas anodin: «À ma connaissance, c’est la première fois qu’un
recours est déposé contre un tel ordre d’expulsion. Il faut attendre la
décision définitive de la justice, mais cela pourrait changer la donne.
Pour empêcher ce type d’occupation illégale sur des propriétés privées,
il n’y a pas d’autre outil à disposition.» Pascal Antonio jauge cette
victoire d’étape sans fanfaronner: «C’est une très bonne nouvelle pour
tous les gens du voyage.
La police ne peut rien faire tant que
le tribunal n’a pas rendu sa décision.» Il voit ainsi les caravanes
rester jusqu’au mois d’octobre. «Et on nous donne raison, nous
revendiquons de pouvoir séjourner sur ce terrain en payant la même chose que les gens du voyage suisses sur les aires autorisées.» Une manière
de rappeler qu’en terre vaudoise comme dans d’autres cantons, les gitans locaux et étrangers sont en compétition.